Naissance et développement

D’Olonna à Saint-Dizier

La plupart des historiens de Saint-Dizier attribuent le nom de la ville à la déformation du nom de saint Didier, évêque de Langres décapité par les Vandales lors du sac de la ville en 264. Une légende voudrait que les rescapés du massacre aient emporté avec eux la dépouille de l’évêque martyr, et suivi la Marne jusqu’au village d’Olonne, où ces reliques auraient été placées jusqu’à leur restitution à Langres.

Toutefois, rien ne permet de confirmer cette hypothèse, car le nom de Saint-Dizier n’apparaît que fort tardivement.

En effet, la première mention de saint Didier se trouve dans un acte de donation de 876, dont il est précisé qu’il a été « fait dans l’église dont le vocable est Saint-Dizier, à Olonna, localité du Perthois dépendant de la puissance publique ». À ce moment-là, cette église correspond à un démembrement de la paroisse de Saint-Martin d’Olonne. La découverte de sarcophages mérovingiens à proximité du château suggère la présence d’un lieu de culte, qui serait peut-être l’église de Saint-Dizier mentionnée dans les textes, mais aucune certitude n’est permise à ce sujet.

Les différentes fouilles archéologiques qui ont eu lieu sur le territoire montrent la présence d’une occupation humaine dès l’âge du bronze, avec la présence de cabanes. À l’époque gallo-romaine, il faut signaler la présence d’une importante villa, située sur le site des Crassées. La fouille a révélé la présence de deux bâtiments : le premier daté entre le IIe et IIIe siècle, le second, daté du IIIe à la fin du Ve siècle. Ce deuxième bâtiment se caractérise par la présence de bains privés, comportant vestiaires, salle tempérée, salle et bassin chaud, piscine froide, alimentée par les sources présentes sur le terrain.

Les bâtiments romains sont abandonnés à la fin du Ve siècle, mais l’occupation du site perdure sous la forme de cabanes installées dans les cours des anciens édifices. Vers 530, trois aristocrates francs se font inhumer non loin. Le riche mobilier funéraire, exposé au musée de Saint-Dizier, montre qu’il s’agissait de personnages de première importance, sans doute des représentants du roi dans une région stratégique, proche de la frontière avec la Burgondie.

Les inhumations se poursuivent au cours des VIe-VIIe siècles, et un village se forme à l’époque carolingienne (VIIIe siècle). Il a pu être découvert les vestiges d’une église, de bas-fourneaux, de fonds de cabane. Le peuplement semble augmenter sensiblement au cours des XIe-XIIe siècles, et l’église est agrandie à cette période.

Quoi qu’il en soit, en 1136, un accord avec les moines de l’abbaye de Montier-en-Der nous apprend que la ville de Saint-Dizier était en train de naître, l’accord en question portant sur les terres dont les moines étaient privés par cette implantation. Les seigneurs de Saint-Dizier, la famille de Dampierre, avaient semble-t-il résolu de bénéficier d’une implantation fortifiée ; en 1202, la présence de l’église est signalée, et en 1228 la charte d’affranchissement de la ville mentionne le devoir fait aux habitants de concourir à l’entretien des murailles du château.

À cette époque, le village situé aux Crassées est abandonné et ses bâtiments démolis, sans doute en raison d’un regroupement de la population autour du château.

La famille de Dampierre, dont le premier représentant connu est Hilderant, lié par mariage à la famille des comtes de Troyes, a été à l’origine de son développement ultérieur.

Les seigneurs de Dampierre

Originaires du village de Dampierre, les seigneurs du même nom régneront sur Saint-Dizier jusqu’en 1442, date à laquelle les Vergy hériteront de la ville.

À mesure que le temps passe, la famille prend une importance grandissante, ainsi que l’illustre Gui II, qui accède à la seigneurie vers 1178. En 1191, il participe à la troisième croisade, où il se distingue lors du siège de Saint-Jean d’Acre. Le sire de Joinville, qui le mentionne dans sa chronique du règne de Saint Louis, le décrit comme un « homme des plus éminents ». Son mariage, en 1197, avec Mathilde de Bourbon, lui vaut le titre de connétable de Champagne, et fait de lui l’un des seigneurs les plus puissants de son temps.

Il se distingue enfin lors de sa participation à la célèbre bataille de Bouvines, le 27 juillet 1214. Il contribue à la victoire du roi Philippe-Auguste.

C’est probablement sous le règne de Gui II que fut construite l’église principale, dédiée à Notre-Dame, et dont la majeure partie a disparu au cours de l’incendie de 1775.

À sa mort, survenue en 1215, son fils Guillaume II lui succède, et renforce l’assise de sa famille en épousant Marguerite de Flandre, fille de Baudouin de Flandre ; cette alliance aurait pu avoir une influence sur l’évolution des institutions de la ville, puisque Guillaume II promulgua la charte d’affranchissement de la ville au retour des Flandres. En effet, il avait pu y observer la prospérité des villes comme Bruges ou Ypres, et c’est sans doute pour cela qu’il affranchit la ville de Saint-Dizier par la charte du 6 mai 1228.

La charte de 1228 et le développement de Saint-Dizier

C’est dans la charte d’affranchissement accordée à la ville qu’apparaît pour la première fois le nom de Saint-Dizier ; c’est également elle qui mentionne pour la première fois le château, dont l’entretien des murailles est à la charge des habitants.

Cette charte vise à clarifier les relations entre les habitants de Saint-Dizier et leurs seigneurs. Elle définit leurs droits, comme leur statut d’hommes libres, la garantie du gouvernement de la ville par une commune, mais aussi leurs devoirs, comme l’entretien des murailles de la ville.

En revanche, il est indéniable que, par cette charte, Guillaume II de Dampierre a voulu promouvoir une élite locale, les échevins (au nombre de 13), et insuffler une liberté amenant la prospérité : à cet égard, elle constitue le point de départ de l’essor de la ville dans les siècles suivants.

Les échevins sont d’ailleurs très attachés au maintien de la charte, et plusieurs conflits survinrent à son propos : ainsi, en 1306, soit moins d’un siècle après la promulgation de la charte, Jean IV accorde par exemple aux échevins le droit de lever des impôts locaux pour régler les dettes de la commune, tout en renonçant à la taille casuelle.

Saint-Dizier dans les guerres anglo-françaises : les Vergy

Le dernier des Dampierre, Édouard, meurt en 1407, et la seigneurie échoit alors à la famille des Vergy. Or, celle-ci est toute dévouée aux intérêts du parti anglo-bourguignon, alors opposé au parti Armagnac et, par la suite, à Charles VII ; ce dernier s’est en effet vu dénier ses droits sur la couronne au profit du roi d’Angleterre Henri V par le traité de Troyes (1420).

S’il faut en croire la chronique, Saint-Dizier voit donc la présence d’une garnison anglo-bourguignonne, qui aurait laissé, au-dessus de la porte d’entrée, les armes de l’Angleterre. Jean de Vergy doit défendre la ville au prix de plusieurs combats, dont le dernier est financé par la duchesse de Bourgogne. En 1422, la ville est assiégée par une compagnie du parti Armagnac.

Toutefois, si Jean de Vergy réussit à garder Saint-Dizier, le prix des guerres qu’il a été obligé de mener l’oblige à s’en défaire en 1450, date à laquelle il cède la ville au sire de Joinville, lequel la céda en 1456 au roi de France. Cependant, à la mort de Charles le Téméraire, en 1477, Louis XI veut s’assurer de la fidélité du successeur de Jean de Vergy, Guillaume de Vergy, et lui rend Saint-Dizier en le nommant son conseiller (1480). Ce dernier se détache donc de la duchesse de Bourgogne, mais doit bientôt rétrocéder la ville à la couronne (1488), qu’elle ne quitte plus jusqu’à la Révolution.

À la fin du Moyen Âge, Saint-Dizier est ainsi touchée par la rivalité entre les ducs de Bourgogne et les rois de France. Cette rivalité se poursuit à l’époque moderne dans le conflit entre François Ier et le petit-fils de Charles le Téméraire, Charles Quint, dont l’un des épisodes marquants pour le territoire est le siège de Saint-Dizier en 1544.